Être joaillière en région: Caroline Lanctôt-Benoit

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La joaillière Caroline Lanctôt-Benoit, diplômée en 2008 de l’École de joaillerie de Montréal, habite et travaille en Estrie, plus précisément au Lac-Brome. La joaillière nous parle de la vie en région.

Pourquoi as-tu choisi de t’établir dans le comté de Brome-Missisquoi?

Je suis originaire de Montréal, mais mon conjoint vient de la région. Ma famille habite tout près, c’était donc un choix facile.

Peux-tu décrire ta pratique?

Je fais du bijou de petite série, de la pièce unique, du sur-mesure, du remodelage, de la réparation, et j’offre des cours privés à mon atelier. Je participe au Salon des métiers d’art de Montréal et à des salons dans ma région, celui de Bromont et de Sherbrooke. Mon atelier, qui est adjacent à la maison, est séparé en deux espaces : la boutique et l’atelier de fabrication. Les clients peuvent y venir sur rendez-vous. Je suis distribuée dans deux boutiques. Je participe également au Tour des arts, où les artistes et artisans de la région ouvrent leurs ateliers au grand public.

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Quels sont les avantages et les désavantages selon toi à travailler en région?

Les avantages sont la tranquillité, la paix d’esprit, le style de vie reposant, tant pour vivre que pour travailler. La possibilité d’avoir plus d’espace pour élever ma famille, pour travailler. Il n’y a pas de trafic pour aller travailler ou pour amener ma fille à l’école, et je suis près de ma famille, qui habite sur la même rue.
Pour les assurances, on me suggérait fortement d’avoir un bâtiment séparé à plus de 10 pieds de ma maison lorsque j’ai organisé mon atelier, c’est plus facile de respecter cette close en région.
Mon atelier est ouvert au public, et la municipalité ne s’y est pas opposée, mais comme j’habite dans un secteur résidentiel, je ne dois pas m’afficher avec une grosse enseigne, et la tranquillité du secteur ne doit pas être perturbée par l’achalandage, mais en ville ou en région, le zonage doit être respecté.

Pour ce qui est de la vie de famille?

Au début j’étais réticente au fait que l’école est petite, mais finalement c’est bien. Ma fille va dans une super école, elle est dans un petit groupe, l’éducation est de qualité. Sinon, les distances sont plus grandes, par exemple pour aller à l’épicerie. Mais tout se fait sans trafic. Puis, mon métier et le fait de travailler de la maison me permet d’être présente à 15h30 quand ma fille revient de l’école. Par contre, entre novembre et décembre, je suis très occupée, physiquement et dans ma tête, comme tous les joailliers à l’approche des fêtes.

As-tu eu à t’adapter, à changer tes habitudes dans ta façon de produire? Quels sont les défis auxquels tu as dû faire face?

Oui, il faut s’organiser. Par exemple quand je fais des coulées, j’essaie de concentrer les cires, de ne pas en oublier, parce que ce que j’apporte à Montréal, je dois retourner le rechercher deux jours plus tard. Parfois je réfléchis à de la production sans coulée, je la fais en construction. J’ai de la famille qui vient me voir, alors parfois ils me rapportent mes pièces coulées, ils font mes commissions! Je dois dire aussi que je suis bien équipée en inventaire. J’ai de la matière première en quantité suffisante pour être autonome longtemps… au moins un an! Et j’ai du matériel usable de rechange : des forets, des lames de scie, des tubes de colles. Je ne veux pas avoir à sortir en ville pour coller une perle parce que mon tube est vide.
Beaucoup de choses peuvent se faire avec le courrier, mais malgré tout, j’aime le contact avec les fournisseurs, pouvoir choisir la matière première, questionner. Mes projets s’y prêtent, il faut le dire. Je vais donc à Montréal 1 à 2 fois par mois. J’offre aussi la possibilité à ma clientèle montréalaise de me rencontrer dans un bureau auquel j’ai accès en ville. Quand vient le moment de livrer une alliance, je pense que ça vaut la peine de faire la route pour le faire en personne.
J’ai choisi de faire le Salon des métiers d’art de Montréal, donc cette période demande plus d’organisation, ça exige de faire de la route, plus de deux heures par jours. Certains artisans logent à Montréal pendant cette région, mais je préfère pouvoir voir mes enfants le matin avant de travailler.

Parle-moi des salons et de la clientèle de ta région.

J’aime plus les salons de région, et leur durée plus courte. Ce sont les artistes qui les organisent et non une corporation, donc on a une atmosphère familiale… La qualité des produits des salons en région se compare à celle de Montréal, je pense entre autre au salon Roche Papier Ciseaux qui ne prend que 15 artistes, et la sélection change d’année en année pour permettre aux visiteurs de découvrir de nouveaux talents.
La clientèle attirée dans ces salons aussi est de qualité, il faut dire qu’il y a un prix d’entrée pour les visiteurs. Les artisans résidents de la région sont avantagés. Les membres invités sont jugés sur la diversité, on ne les prendra pas s’ils offrent un produit semblable à ce qui est déjà offert. De toute façon les clients aiment encourager l’achat local, et savent qu’ils peuvent retrouver l’artisan à proximité. La clientèle est éduquée par-rapport aux métiers d’art, on n’entend peu le commentaire : ah, c’est ben cher!

Quel conseil donneriez-vous à un joaillier qui souhaite s’établir dans votre coin?

Que ce soit en Estrie ou ailleurs, il faut trouver une région où on se sent bien, y avoir une attache, le sentir avec son cœur et suivre son instinct.

 

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