Diplômée de l’École de joaillerie de Montréal en 2003, Julie Tougas développe depuis une dizaine d’années des collections qui expriment sa grande créativité. Elle présente depuis quelques mois une collection de bijoux entièrement destinée à un jeune public. Vous pourrez aller à la rencontre de ROMARINE du 25 au 29 novembre au Souk@Sat!
Qu’est ce qui a motivée cette collection de bijoux pour enfants? Comment l’as-tu composée, planifiée, créée?
Au tout début du projet, j’ai été approchée par une amie qui faisait des études en communication afin de créer un événement dans le cadre d’un cours dans son programme au Cégep. J’ai tout de suite été motivée par le fait de travailler en collaboration avec quelqu’un mais j’avais également ce désir de pousser un peu plus loin l’idée de faire une simple exposition de bijoux. J’aime bien avoir quelque chose de plus à proposer lorsque des gens viennent découvrir mon travail et aussi en raison de la grande offre de bijoux à laquelle les gens sont exposés en ce moment. J’avais envie de piquer la curiosité, de les surprendre. Quelques mois auparavant j’avais tenté d’approcher quelques boutiques pour enfants avec des pièces de ma collection précédente « Ardoise » mais mon image et mon idée n’étaient pas suffisamment mûres pour avoir un succès dans cette démarche. J’ai alors rapidement eu cette idée de développer une collection entièrement destinée aux enfants et d’aller jusqu’au bout. Après réflexion, j’ai toujours été très attirée par le côté ludique du bijou, je suis une personne avec beaucoup d’humour et de sensibilité. Cet univers me permet d’exprimer ces émotions qui me ressemblent. Ainsi, en développant une collection inspirée par l’enfance, je me retrouvais face à un immense terrain de jeux. Une créativité sans censure, colorée, minimaliste et lumineuse voilà ce que j’ai tenté de transmettre à travers cette collection. De plus, je souhaitais qu’un enfant qui regarde mes bijoux se reconnaisse à travers eux, chose qui est rarement présent dans un bijou destiné à un enfant, bien souvent trop classique et conservateur alors qu’il est tout le contraire! Je me suis alors questionnée sur la fonction d’un bijou pour enfant. Il y avait selon moi une symbolique assez forte du désir d’immortaliser un moment, un souhait de transmettre un souvenir et un sentiment d’amour à démontrer pour un être si précieux. J’ai aussi eu envie de faire une place pour des bijoux destinés à une mère car la relation avec celle-ci me touche et je voulais ainsi représenter des petits objets blottis dans un petit jardin secret qu’elle pourrait porter tous les jours. La cabane d’oiseau est alors apparue comme un beau symbole pour évoquer cette image. J’ai alors créé des petits univers pour mettre en scène ces émotions. Avec un peu de recul je constate que tous ces petits icônes forment en soit tout ce qu’il faut pour qu’un enfant se développe dans le bonheur, un arbre, une maison, un cœur et une ribambelle de gens qui se tiennent par la main..
Tu as fait affaires avec des professionnels : Anthony McLean pour les photographies et la joaillière Mélie Vézina-Méthé pour le graphisme. Est-ce la première fois que tu travailles avec autant d’intervenants? Comment as-tu trouvé ton expérience?
Pour moi, il a toujours été important de travailler avec un photographe professionnel, de nos jours c’est essentiel pour diffuser et vendre son travail en joaillerie. Cela nous permet d’obtenir une certaine crédibilité et de faire valoir son travail. J’ai toujours travaillé avec Anthony McClean pour mes photos de bijoux et comme son travail est impeccable je poursuis avec lui. Je crois d’ailleurs que la qualité de son travail permettra d’ouvrir des portes à Romarine, je le constate déjà à travers nos approches avec les boutiques et pour la participation à différentes expositions qui ont porté fruit. Par contre au niveau du graphisme, je n’avais jamais accordé une importance marquée au niveau du logo, de l’emballage ou du visuel en raison du manque de temps et d’argent mais aussi parce que j’ai toujours cru qu’un bijou devait prendre davantage sa place que son emballage. Il est cependant difficile de ne pas être influencée par les courants en métiers d’art et je constatais bien à quel point l’image de marque et l’emballage prenaient davantage de place, d’autant plus dans les produits destinés aux enfants, un marché que nous voulions explorer. Alors, au lieu d’être rebutée par cette idée, j’ai plutôt décidé d’investir dans cette démarche pour le projet Romarine. Comme nous souhaitions approcher des boutiques pour enfants et des Musées, nous étions aussi consciencieuses de faciliter la vente de nos bijoux en développant un emballage un peu « clé en main » pour les commerçants. Le bijou requiert habituellement beaucoup de manipulation, nous voulions ainsi rendre la tâche plus facile pour tout le monde et ainsi peut-être augmenter nos arguments de ventes. Pour développer l’image de marque et l’emballage nous avons travaillé avec Mélie Vézina-Méthé, qui possède avec sa soeur jumelle l’entreprise de bijoux et de design C’est pas moi c’est ma soeur. Avec son talent, son expérience en design et sa carrière établie comme joaillière, Mélie nous apparaissait comme la personne idéale avec qui collaborer. Nous avons été ravies de tout son travail pour Romarine. Beaucoup de patience et de talent!
Tu as une associée pour cette collection. Comment vous êtes-vous rencontrées? Comment vous séparez-vous le travail?
J’ai fait la rencontre de Marie-Frédérique il y a quatre ans en travaillant au café le Romarin dans le quartier Ahuntsic. De là d’ailleurs l’idée de nommer notre entreprise Romarine, c’était le surnom que nous avions donné à toutes les filles qui y travaillaient, bien que nous ayons cherché notre nom d’entreprise durant 3 mois, nous sommes revenues à la case départ. Marie-Frédérique terminait alors son Bac en ressources humaines, tandis que je souhaitais prendre un recul de la joaillerie pour cuisiner, mes premiers amours avant les bijoux. Au printemps 2015, alors que Marie-Frédérique terminait sa maîtrise en gestion internationale et occupait un poste en entreprise, elle est venue découvrir mon exposition de bijoux pour enfants Ribambelle. Elle a alors eu un coup de cœur pour l’idée et la qualité du produit et a perçu en cette collection un potentiel et l’opportunité de se lancer en affaires, un rêve qu’elle chérit depuis toujours. De mon côté, j’étais à l’affût plus que jamais de m’associer à quelqu’un pour diffuser mes collections et travailler en équipe. Les étoiles étaient alignées! Au niveau de la séparation des tâches, nous souhaitons que Marie-Frédérique se charge de tout le volet communication avec les boutiques, les réseaux sociaux, la recherche de nouveaux clients, l’inscription et la recherche d’événements, la gestion de notre site web en ligne et, évidemment, la gestion et la planification des finances de l’entreprise. Je me charge de la conception et de la fabrication des bijoux ainsi que du visuel de l’entreprise mais nous décidons tout de même beaucoup de choses à deux pour être certaines que les décisions conviennent aux deux parties tant au niveau artistique que financier car Romarine appartient à 50% à chacune de nous. Et nous constatons que de partager ses idées nous donne souvent une belle force!
Quels sont les avantages à s’associer avec une gestionnaire? Quelle clientèle visez-vous avec cette collection?
Je crois que Marie-Frédérique va apporter un regard neuf et plus objectif quant aux différentes avenues et décisions que Romarine pourra prendre. Pour une joaillière qui fonctionne seule dans toutes les sphères de son travail c’est souvent très difficile de prendre le temps d’analyser et de planifier ses tâches et de bien organiser son travail pour faire vivre son entreprise. J’ai souvent pensé que c’était le gros problème que nous avions de penser que l’on peut fonctionner seule dans cette petite entreprise, c’est trop essoufflant à la longue de veiller à tout. J’ai la conviction qu’un regard extérieur sur le milieu pourra m’amener sur de nouvelles pistes à prendre et aussi une gestionnaire qui veille à une bonne organisation ça sera un atout. Je crois que même si l’on fait un travail artistique, c’est une partie très importante pour un travail efficace et une bonne collaboration avec ses boutiques et clients. Après quelques mois à écouter les remarques de boutiques, de clients et d’amis, nous avons pris le temps pour bien évaluer les bons et les moins bons commentaires et considérer quelle serait notre clientèle cible. La force de Romarine est l’originalité de son mandat: offrir des bijoux ludiques et de qualité pour les enfants de 4 ans. Nous n’avons pratiquement pas de compétiteurs. Par contre sa force constitue en quelques sorte sa faiblesse. Les gens sont frileux d’offrir des bijoux en argent d’un certain prix à un enfant, ils ont également des craintes de pertes, de bris, de blessures, etc. Bref Romarine a encore du travail à faire pour convaincre les gens du pouvoir et de la fonction d’un bijou pour enfant. C’est selon nous le seul cadeau qui évoque autant un souvenir pour quelqu’un et qu’il pourra garder tout au long de sa vie, contrairement à une robe ou un jouet dont on se débarrasse rapidement.
Ainsi, comme la plupart de nos ventes des derniers mois ont été faites par des adultes “jaloux”, nous avons décidé d’être à l’écoute de l’impact de notre collection et ainsi de rendre accessible les bijoux Romarine pour les petits…et grands. Toutes les chaînes ont des rallonges pour adultes et les boucles d’oreilles font aussi pour les grands. Nous croyons que Romarine sera souvent offert en cadeau pour exprimer un sentiment pour quelqu’un et que ce sera souvent les tantes, les grands-mères qui achèteront pour les enfants car les parents sont trop rationnels pour faire cette dépense pour l’instant, du moins au Québec. Comme nous sommes deux dans le projet, nous sommes très conscientes des ventes énormes qu’il faudra faire pour “survivre” dans l’entreprise. C’est pourquoi nous allons tenter d’explorer d’autre marchés que le Québec et peut-être s’associer à une chaîne connue pour s’assurer une certaine stabilité. Bref, beaucoup de stress dans ce nouveau projet mais beaucoup de plaisir aussi! C’est ce que nous souhaitons transmettre avec Romarine, apporter un peu de sourire aux lèvres et continuer d’apprécier un bijou original et fabriqué au Québec!!