Maxime Proulx a terminé son DEC en joaillerie en 2012. Depuis, elle a lancé son entreprise, qui porte le nom de Maksym. On peut trouver ses bijoux dans plusieurs boutiques à Montréal, et sur la plate-forme de vente en ligne ETSY. Elle exposera, du 15 février au 14 mai 2016, chez Dominic Dufour artisan joaillier, à Rosemère. Elle a répondu à quelques questions pour nous.
Quel a été ton parcours après l’obtention de ton Diplôme en joaillerie?
Un peu avant la fin de ma dernière année à l’École de joaillerie de Montréal, les filles de chez Flamme en Rose m’ont offert un emploi à temps partiel au banc. Michèle, une des propriétaires qui était ma professeure de réparation quand j’ai fait ma formation, nous encourageait vivement à travailler pour d’autres joailliers pour acquérir de l’expérience. J’avais déjà l’intention de me trouver un emploi dans le domaine et cette opportunité est arrivée au bon moment. J’y suis restée pendant 3 ans. J’y ai appris les rudiments de la réparation et j’ai perfectionné énormément ma technique de polissage, ce qui aujourd’hui me sert grandement dans ma production. Entre temps, j’ai aussi travaillé, pendant 1 an, pour une bijouterie juive haut de gamme, où je travaillais uniquement sur des bijoux en or. Ce moment a vraiment été un tournant dans mon apprentissage, car le travail était très difficile. J’étais la seule joaillière sur place (une femme en plus, ils n’avaient jamais vu ça de leur vie!), donc il fallait que je me fie à mon jugement et mon expérience pour résoudre le casse-tête qu’est la réparation! Je n’étais pas non plus totalement à l’aise de travailler l’or et surtout pas de travailler sur des bagues avec des diamants de très grande valeur. La charge de travail était très grande et je devais terminer toutes mes enveloppes à tout prix, sans quoi elles s’accumulaient. Ça n’a pas été facile au début, mais au bout de cette année-là, j’étais très fière de tout le chemin que j’avais fait. Ça m’a permis d’acquérir de la confiance en moi au banc face à des problèmes qui semblaient sans solution et à me débrouiller pour arriver aux résultats que je voulais. J’ai quitté après 1 an, car j’avais de plus en plus besoin de consacrer du temps à ma propre entreprise. J’ai continué à travailler à temps partiel chez Flamme en Rose jusqu’au jour où j’ai fait le grand saut, en avril 2015, pour me consacrer à temps plein sur ma ligne de bijoux: Maksym.
Tu travailles à présent à temps plein à ton compte, comment est-ce que ça se passe pour toi?
J’attendais le moment parfait pour quitter mon emploi, mais je me suis rendue compte qu’il n’y en avait pas vraiment. Mes affaires allaient de mieux en mieux et il fallait que je me rende à l’évidence que j’avais besoin de tout mon temps pour accomplir mes tâches. Par la suite, tout s’est enchaîné très vite. Plusieurs événements m’ont tenue bien occupée au mois de mai. J’ai créé ma troisième collection pendant l’été et j’ai fait le lancement début octobre. Entre les boutiques, Etsy, les événements et les commandes privées, je n’ai pas le temps de m’ennuyer! J’ai même quelqu’un qui m’aide à la production une fois par semaine depuis le mois de septembre.
Tes bijoux sont fortement inspirés des tendances de la mode. Comment conçois-tu tes collections? Qu’est-ce qui caractérise/ différencie ton travail?
La direction que j’ai prise avec mes bijoux a beaucoup évolué depuis que j’ai gradué. Comme dans tous les domaines, je pense que l’école et la vraie vie sont deux choses bien distinctes. Je me rattache de moins en moins au style que j’avais développé quand j’étudiais.
Aujourd’hui, mon objectif est d’offrir des bijoux de qualité dans une gamme de prix abordable, située entre 30$ et 140$. Cette décision s’est prise assez facilement quand j’ai commencé à trouver des points de vente dans des boutiques de vêtements de designers locaux. Chacune d’elles me demandait des bijoux de moins de 100$. C’est aussi une gamme de prix qui fonctionne très bien dans les salons.
Comme les métaux sont très chers, il fallait que je conçoive des pièces légères et facilement réalisables. J’ai une préférence pour tout ce qui est minimaliste, ce qui est à mon avantage, car c’est aussi très tendance en ce moment. J’ai donc créé mes collections avec une contrainte de poids et de temps de fabrication. Pour ce qui est des modèles, j’essaie de garder une ligne directrice à travers mes collections. On y retrouve toujours des formes géométriques, beaucoup de surfaces polies miroir et une touche de doré. Je m’inspire certainement de la mode pour les créer, mais j’essaie toujours d’ajouter une touche personnelle avec des assemblages plus complexes que ce qu’on retrouve sur le marché.
Y a-t-il des avantages/ inconvénients à fonctionner de cette façon?
Un des avantages des bijoux minimalistes c’est qu’ils soient très légers. Ça me permet de me payer un salaire décent, tout en respectant ma gamme de prix. Les pièces se travaillent aussi très rapidement, donc mon volume de production dans une journée est assez élevé.
Je dirais que le plus gros inconvénient, c’est la compétition! De plus en plus de gens font du bijou minimaliste. C’est très difficile de se démarquer dans une sélection pour un événement ou même au sein des boutiques. Comme c’est un style en demande, mes bijoux se retrouvent facilement aux côtés de 4 ou 5 autres joailliers au style similaire dans mes points de vente.
Fais-tu des associations avec des designers?
Lors de mon dernier photo shoot, j’ai moi-même fait le stylisme et j’ai voulu intégrer des vêtements et accessoires faits à Montréal. J’ai contacté plusieurs de mes designers favoris, qui m’ont prêté quelques morceaux pour la durée du shoot. Le monde de la mode est vraiment petit et les contacts se font progressivement lors d’événements ou de ventes collectives. Je participe maintenant à chaque édition du marché des ateliers Capitol, organisé par Betina Lou et récemment j’ai aussi participé, comme invitée, à la vente d’atelier d’Ève Gravel.
Quels sont tes moyens de diffusion et de distribution?
Je travaille beaucoup mon image pour qu’elle voyage bien. Je photographie tous mes bijoux sur fond blanc en plus d’avoir un lookbook. Lorsque j’ai sorti ma première campagne, les articles sur les blogues de mode se sont enchaînés les uns après les autres. J’ai aussi eu plusieurs collaborations par la suite avec le blogue Le Cahier, par exemple, qui met le talent local de l’avant. Je fais aussi pas mal de travail de mon côté en ajoutant régulièrement des photos sur Facebook et Instagram.
Mes bijoux sont disponibles dans quelques points de vente à Montréal et un à Québec. En quittant mon travail, je pensais avoir tout le temps du monde pour me trouver pleins de nouveaux points de vente, mais au bout du compte, je suis restée avec presque le même nombre. Je trouve que c’est beaucoup de logistique, surtout si c’est en consigne. J’aime mieux en avoir moins et mettre mon énergie sur ma boutique Etsy qui est beaucoup plus avantageuse. D’ailleurs, la moitié de mon chiffre d’affaires se fait via cette plate-forme. Je fais aussi des commandes de bagues de mariage et quelques événements par année. Comme la compétition est très élevée, je ne suis pas toujours prise à ceux auxquels j’applique. D’où l’importance de varier ses activités et de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
À l’automne dernier, tu as lancé ta nouvelle collection avec ton dernier photo shoot sur modèle féminin. Peux-tu nous en parler? Quelles sont les étapes derrière ce projet?
Derrière chaque photo se cache le travail d’un photographe/retoucheur, d’une mannequin, d’une maquilleuse/coiffeuse spécialisée dans la photo mode, d’une styliste et évidemment, de la personne qui conçoit le produit. Il faut vraiment s’entourer des bonnes personnes pour que les photos, au final, soient comme nous les imaginons. Avant de choisir tous ces gens, j’ai bien étudié leur style pour voir si ça me correspondait. C’est facile aujourd’hui avec Instagram et Facebook, il suffit de les suivre sur les réseaux sociaux pour voir ce qu’ils font. Pour ce qui est du financement j’ai eu un petit coup de pouce de la part de la SODEC pour le premier lookbook que j’ai fait en 2013.
Faire un photo shoot c’est quand même beaucoup d’organisation. Il faut planifier la journée du shoot au quart de tour, car ça passe très vite! Nous étions limitées dans le temps : j’avais négocié une attente avec l’agence de la modèle pour 5h de travail seulement, en raison de mon budget. J’ai donc préparé tous les looks à l’avance pour les enchaîner rapidement avec la photographe. Il faut aussi planifier quel genre de maquillage, de coiffure et quel type d’ongles le mannequin portera. La maquilleuse est disponible pendant toute la session de photo pour les retouches ou les changements de style. L’ambiance générale est aussi à déterminer, en jouant avec la lumière et la couleur des fonds. Pour ce qui est du stylisme, il faut courir partout la veille du shoot pour aller récupérer les vêtements empruntés. Tout ça c’est en plus, de préparer les bijoux et de faire des tailles de bagues différentes pour que ça fasse à la modèle. En gros, c’est beaucoup de travail, mais tellement satisfaisant quand c’est terminé!! J’ai aussi demandé les services d’un caméraman pour filmer les ‘’behind the scene’’ du shooting. C’est une idée que j’avais envie d’explorer et qui m’a donné pas mal de visibilité avant le lancement.
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Quelle place prend les médias sociaux dans ton modèle d’affaires?
Je pense que je ne serais pas où je suis rendue sans l’aide des médias sociaux. Ils font partie intégrante des entreprises de nos jours. J’ai une page Facebook pour mon entreprise et un compte Instagram que j’essaie d’alimenter à chaque semaine. C’est un moyen de communication ultra efficace et on peut même payer pour des publicités qui seront diffusées à un plus large public. Je les utilise parfois pour des occasions spéciales. Je regarde aussi beaucoup ce qui se fait à Montréal en bijoux et dans d’autres disciplines. Ça me permet de me situer dans le marché et ça me donne beaucoup de motivation quand je vois tous ces gens à l’œuvre. J’ai l’impression que l’entreprenariat est mis de l’avant de plus en plus et c’est beau à voir!
Quels sont tes projets pour les prochains mois/années?
Mon entreprise continue de grossir, c’est pourquoi j’ai engagé quelqu’un qui travaille avec moi à temps partiel. Si la tendance se maintient, j’aimerais emménager dans un atelier plus gros et probablement avoir quelqu’un qui travaille à temps plein pour m’aider avec la production. Pour l’instant je suis encore à la maison avec un seul banc. C’est plus difficile quand nous travaillons les deux ensemble, car il faut séparer les tâches de manière à ne pas se marcher sur les pieds.
Je prévois aussi faire une nouvelle collection que je présenterai cet automne. Faut que je m’y mette très bientôt. À chaque année, je me dis que je dois commencer ma production des fêtes plus tôt (en janvier!), parce que je suis toujours débordée à cette période. Cette année, c’est encore une de mes résolutions!
Crédits photos bijoux: Maxime Proulx
Crédits photos sur modèles: Sarah Emily St-Gelais